Claire Gaillard – Dossier Sexualité
Aux traditionnelles séances d’aérobie, certaines femmes préfèrent aujourd’hui les cours de striptease et de danse érotique qu’elles jugent plus stimulants et tout aussi efficaces. Dans la même veine, les réunions Tupperware ont été délaissées au profit de partys sex-toys. Ce qui était considéré comme des pratiques marginales est maintenant à la portée de tous ceux et celles qui voudraient pimenter leur vie sexuelle et personnelle. La forte médiatisation de ces attitudes et la prolifération des supports pornographiques les ont érigées en modèles de référence. Un pas en avant selon certains, deux pas en arrière estiment d’autres.
Des décennies de lutte féministe ont évacué les images de la femme au foyer soumise et procréatrice. Aujourd’hui la femme peut contrôler son corps et sa sexualité. Elle a le droit et la possibilité de tout explorer. Pour quelques dizaines de dollars, Madame Tout-le-monde peut prendre des cours de striptease ou de danse poteau. Elle peut s’initier à l’érotisme du tantra, au massage sensuel en couple et améliorer ses techniques pour donner encore plus de plaisir à son partenaire.
Les élèves de Velma Candyass, professeure de striptease et de danse cabaret du studio Joytoyz de Montréal, ne sont ni des prostituées ni des danseuses nues. Ce sont des femmes de tous âges, de milieux social et professionnel variés. Elles s’inscrivent aux cours comme d’autres vont au gym ou chez un psychologue, ou simplement pour réaliser un fantasme privé. «Il n’y a rien de sale ou de vulgaire, précise une élève de 22 ans. On a beaucoup de fun, il y a une très bonne ambiance, on fait de l’effort physique mais ça peut nous servir dans la vie privée. Je me sens juste bien quand je pars d’ici.»
«Quand on pense à la danse érotique, on imagine tout de suite sa dimension professionnelle, selon Velma. Mais c’est comme de la thérapie corporelle. Il s’agit de découvrir un autre côté de soi. En général, les filles qui viennent en classe veulent explorer leur sensualité, leur corps et les mouvements. C’est plus comme un cours de danse pour elles.» C’est le cas d’une autre de ses élèves, qui pratique aussi la salsa, et qui voit les ateliers offerts par Joytoyz comme une approche artistique originale.
Figures imposées?
Selon la chercheuse Sandrine Ricci, de l’Institut de recherches et d’études féministes de l’UQAM, l’épanouissement sexuel fait de plus en plus partie d’une quête de croissance et d’épanouissement personnel. Les femmes n’agiraient cependant pas complètement de leur propre gré. «On parle toujours de libre choix mais avec tous les stéréotypes inaccessibles dont on nous bombarde, ce n’est pas si facile. Les femmes sont sous le joug de normes de beauté et de comportement.»
D’après Francine Duquet, professeure de sexologie à l’UQAM, si de tels cours ont autant de succès, c’est que «les adultes ne sont pas à l’abri de la banalisation de la sexualité. La médiatisation du phénomène, la libéralisation des mœurs et le déclin de la religion ont engendré une dégradation des valeurs morales en ce qui concerne la perception des autres et de soi. Ce qui était tabou hier est devenu banal. La majorité des gens ne se choquent plus de rien. On suppose que les adultes agissent avec discernement, mais ils baignent aussi dans l’univers de l’obsession de la beauté et de la performance.»
À bas les coincées !
Les femmes n’auraient pas échappé au phénomène d’érotisation de la société. Reste à savoir dans quelle mesure elles en seraient victimes. «L’hypersexualisation est une tendance lourde à ramener l’identité des individus à leur seule dimension sexuelle», définit le sexologue et enseignant au cégep de Sherbrooke, Alain Desharnais. La sexualité serait devenue plus qu’un élément accrocheur dans la publicité, les clips musicaux et les émissions de téléréalité. La valeur de chacun se mesurerait, de plus en plus, à ses capacités de séduction, à ses performances sexuelles et, par la même occasion, à son apparence physique.
«Pour être bien dans sa peau et dans sa vie, pour être in et échapper à la ringardise […], il faut adopter de nouvelles pratiques sexuelles et consommer les produits de l’industrie du sexe: films, gadgets sexuels, etc.», écrivent Richard Poulin et Amélie Laprade, respectivement sociologue-chercheur à l’Université d’Ottawa et sociologue-analyste de recherche à Santé Canada, dans leur texte «Hypersexualisation, érotisation et pornographie chez les jeunes» sur le site Internet Sysiphe. «Il faut oser tout essayer et apprendre à aimer la sodomie, l’éjaculation faciale, la double ou triple pénétration, le triolisme, l’échangisme, etc.»
Sexe récréatif
Exit le modèle du sexe reproducteur ou romantique, l’ère nouvelle serait au sexe récréatif. Et selon Sandrine Ricci, celles qui osent questionner les stéréotypes sexuels sont seulement des filles «plates», frustrées, voire moralisatrices. «C’est ce qui a toujours été dit des féministes, indique-t-elle. Aujourd’hui, on ne peut pas être autrement que sexy. Je vois ça comme une perte de pouvoir parce qu’il faut correspondre à des stéréotypes pour faire sa place.»
Même son de cloche chez la chef de service en leadership et coordinatrice du projet de recherche sur la sexualisation précoce du YWCA de Montréal, Lilia Goldfarb, qui croit que «la valeur des femmes est de plus en plus tributaire de leur degré d’apparence et de sexualisation. Paraître est plus important qu’être. Si on ne veut pas embarquer dans la vague de « l’épanouissement sexuel », on est vieille et démodée.»
Les femmes ne profitent pas de leurs acquis pour se faire valoir autrement, par leurs connaissances, leur savoir-faire ou leurs activités, croit la journaliste Geneviève St-Germain, citée dans un article sur «La tendance pitoune.» du numéro de mars 2007 de La Gazette des femmes. «Au fond, c’est tellement moins épuisant et plus valorisant d’être une belle cocotte sexy que de lutter pour faire valoir ses droits!»
D’accord sur le fond mais pas sur la forme, Sandrine Ricci concède que «faire valoir ses droits et connaissances, ce n’est pas vraiment le modèle proposé aux femmes pour se valoriser. Mais répondre aux standards c’est une job à temps plein qui a ses conséquences! Je ne suis pas sûre que ça soit moins fatigant.» Elle fait remarquer que la course à la beauté présente son lot d’effets pervers tels que les troubles alimentaires et autres syndromes dépressifs.
Belle et désirable à tout prix
La sexologue Francine Duquet souligne que les valeurs de performance et de compétitivité auraient colonisé la sexualité aux dépens des principes d’intimité, de respect et de partage qui sont les piliers du couple et de la vie à deux. Les conséquences: « Pour les adultes, il est parfaitement possible d’expérimenter de nombreuses choses dans le consentement. Mais cela comporte le danger qu’on ne soit pas réellement au clair avec ses propres désirs. Ça provoque aussi une distorsion de ce qu’est la relation à l’autre.» L’apprentissage sexuel peut ainsi être lavé de tout aspect affectif et humain.
Plutôt que de jouir sans entraves, les femmes seraient devenues prisonnières d’une sexualité instrumentalisée. Elles reproduisent des modèles qu’elles ont intériorisés. «Elles sont devenus pour les hommes de « bons objets » en se conformant aux standards proposés, explique Lilia Goldfarb. Leurs réels désirs, leur santé, leur bien-être, leurs compétences et réussites passent au deuxième plan.». Elle estime que les femmes seront réellement libérées quand elles auront pleinement conscience de la nature des rapports sociaux de sexe et qu’elles les auront renversés. «La barre est pas mal haute pour les femmes» qui ont intériorisé les désirs et visions des autres pour en faire les leurs.
D’après la chercheuse du YWCA, «l’adoption d’une sexualité pornographique, selon des codes masculins et dominateurs, ne peut pas vraiment nous libérer. Quand on arrive à croire que ce qui nous opprime nous libère, c’est là qu’on est colonisé.»
Qu’arrive-t-il à nos gars?
N’en déplaise aux «machos» qui, hier, dominaient les sociétés occidentales, «aujourd’hui, les garçons sont déroutés par les attitudes très sexualisées des filles, selon la sexologue Francine Duquet. Les filles font tout pour plaire à leurs chums, qui n’ont plus de vrai désir. Il leur reste seulement la responsabilité de performer et d’être à la hauteur des attentes des filles.» La dimension amoureuse serait évacuée des rapports hommes-femmes. La sexualité peut alors devenir une arme redoutable de contrôle et de manipulation. «À 16 ans, les dégâts sont immenses quand on se fait dire par sa blonde qu’on fait mal l’amour.»
Le sexologue au cégep de Sherbrooke, Alain Desharnais, exposait un avis similaire lors d’une conférence sur l’hypersexualisation: «La nouvelle anxiété des gars, c’est de ne pas être à la hauteur des nouveaux standards de performance. Ils sont confrontés à un modèle qu’ils ne peuvent pas imiter.» Ils ont donc tendance à se tourner vers des formes de sexualité dites « passives », comme la pornographie magazine ou Internet afin d’éviter le jugement de le part d’une partenaire.
À chaque époque ses mœurs
En 1980, une jeune fille écrit anonymement au magazine Filles d’aujourd’hui pour demander s’il est normal qu’elle pratique la masturbation de temps en temps. On lui répond qu’elle est libre de ses actions, mais que certaines études ont démontré les effets nocifs de la masturbation.
En 2007, le magazine Femme d’aujourd’hui se consacre essentiellement à des «sujets tabous et coquins». De l’orgasme à la photo érotique de couple en passant par l’échangisme, le sexe oral et les meilleurs endroits où faire l’amour l’été, le magazine passe au crible tout ce qui se rapporte aux pratiques sexuelles en vogue. Le titre se veut évocateur : la «femme d’aujourd’hui» a, à sa portée, une sexualité fascinante et variée.
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