Harcèlement de rue : la voix du quartier

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Un texte d’Ariana Noera

En septembre 2021, l’apparition d’une publication Facebook a suscité beaucoup de débats. Une jeune femme demandait à ses voisins si eux aussi avaient remarqué une recrudescence des cas de harcèlement de rue dans Hochelaga-Maisonneuve. Les réponses sont arrivées en quelques instants. À peu près 600 commentaires ont été publiés, remplis de témoignages et certains de polémiques.

 

Les femmes dénonçaient des attouchements, des commentaires sexuels déplacés, des gestes agressifs, etc. Comme toujours, il y avait aussi l’autre côté de la médaille. Plusieurs autres propos étaient sur une autre note. Certaines personnes minimisaient les histoires des femmes, ajoutant des phrases comme «ça dépend aussi de la manière qu’on s’habille» ou «si tu étais laide, tu serais triste parce que personne ne te regarderait». Ce qui ressort particulièrement des commentaires des femmes est la peur, la frustration, le mépris… mais aussi une envie urgente de changer les choses. 

 

Un problème majeur

 

Les bureaux de Reflet de Société se trouvent dans le secteur Hochelaga. Mes collègues et moi consultons régulièrement les groupes de quartier pour survoler les dernières nouvelles de la population locale. L’attention particulière que nous avons donnée à cette publication nous a amenés à nous intéresser aux problèmes et aux impacts du harcèlement dans les espaces publics. Un court sondage nous a révélé que 91% des répondants avaient subi du harcèlement de rue ou en avaient été témoins.

 

Les cas de harcèlement de rue ne se limitent pas à l’arrondissement Mercier-Hochelaga-Maisonneuve, mais sont présents dans toute la ville de Montréal. Au printemps 2021, la ville a commissionné le Centre d’éducation et action des femmes de Montréal pour qu’il réalise une étude en partenariat avec l’UQAM. Cette étude visait à accomplir une analyse sociologique et statistique du problème du harcèlement de rue sur l’île. Le rapport a mis en évidence non seulement l’impressionnante fréquence de ces agressions, mais, surtout, les impacts de ce genre d’expérience sur la vie des femmes. 

 

Leur définition du harcèlement de rue est celle sur laquelle nous nous basions: «Tout propos ou comportement à caractère sexuel ou sexiste, intrusif, insistant et non sollicité, commis dans les lieux publics et transports en commun, par des inconnus, majoritairement des hommes, ciblant majoritairement des femmes.» 

 

Le harcèlement de rue existe depuis toujours, mais il semble y avoir eu une recrudescence des cas avec le déconfinement. Difficile de déterminer l’élément déclencheur de cette augmentation. Les hypothèses sont multiples, mais restent des hypothèses. Que ce soit à cause de l’anonymat donné par le masque ou d’une nouvelle vague de violence dans les rues, une chose est claire : il faut trouver une solution à ce problème, car plusieurs résidents ne se sentent plus en sécurité. 

 

Des témoignages percutants

 

J’ai partagé moi aussi une publication dans le groupe Hochelaga Mon Quartier. Je faisais un appel à témoignages pour cet article. Les commentaires reçus prenaient différentes formes. Certaines étaient solidaires et racontaient leurs expériences. Certaines autres ont extériorisé des propos plus négatifs, qui ne sont pas passés inaperçus. Par contre, une seule personne a accepté un entretien téléphonique. 

 

Il s’agit d’Alejandra Omri, membre active du groupe de quartier. Madame Omri a déménagé sur l’île de Montréal il y a une vingtaine d’années. Elle affirme n’avoir jamais eu de problèmes de harcèlement avant cette année. Pendant toute l’année 2021, Alejandra a assisté à plusieurs épisodes de harcèlement et elle déclare aussi en avoir été victime une fois. 

 

Elle habitait dans Hochelaga-Maisonneuve avant de déménager dans le Centre-Sud. Néanmoins, elle continue de fréquenter activement le quartier. Pendant notre entretien téléphonique, son étonnement des derniers mois face à cette nouvelle réalité est clair. «Je remarque surtout des hommes à pieds qui harcèlent de jeunes femmes dans la rue», affirme-t-elle. 

 

L’importance de l’éducation

 

Quand je lui demande quels sont, selon elle, les pas à faire vers la résolution du problème, Alejandra répond tout de suite : «L’éducation des hommes. C’est culturel. Ce n’est pas un problème temporaire.» Madame Omri croit que c’est l’image de la femme-objet dans les médias qui incite au harcèlement public sans scrupules. «Les institutions comme l’école doivent sensibiliser et éduquer la population dès son plus jeune âge», dit-elle. Alejandra est reconnaissante du travail que les organismes comme le nôtre font chaque jour. 

 

La prochaine étape de notre organisme prendra forme sous  la création de multiples tables rondes à Montréal, dans le quartier Hochelaga, ainsi que dans d’autres villes québécoises.  Grâce aux tables rondes, nous aurons l’occasion de donner la voix des femmes, d’écouter leurs expériences et leurs projets de solution. 

 


 

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