Un texte de Colin McGregor | Dossier Famille, Justice
Lorsqu’elle était petite, Marie (nous la nommerons ainsi) collectionnait des objets liés à la police.
« J’avais une très grosse boîte » dit-elle en souriant. « Beaucoup de choses, des voitures sur mesure, des pièces que j’avais découpées. » Elle écoutait des émissions de police en boucle à la télé. « Je pouvais les réciter! »
Elle a été inspirée par son grand-père, un policier de la ville de Montréal. Son beat – le quartier populaire d’Hochelaga-Maisonneuve. « Chaque fois que je voyais un policier, » elle nous confie, « je pensais à mon papi. »
Elle a derrière elle un parcours collégien qui inclut un DEC en sciences humaines. À l’époque, elle réfléchissait à plusieurs métiers – le droit, la criminologie…
« La police n’était pas quelque chose d’assumé, » avoue-t-elle. Mais son lien familial l’inspirait. Lors de notre entrevue, Marie s’apprêtait à porter l’uniforme de police (de la ville de Montréal) trois semaines plus tard.
Formation éprouvante
Elle a parcouru un long chemin pour y arriver. Les policiers québécois ont un parcours scolaire plus long que beaucoup d’autres policiers en Amérique du Nord. D’abord, trois années de Cégep en techniques policières. Ensuite, 15 semaines au seul collège de police de la province, à Nicolet. Et ce n’est pas une modique somme : 10 400 $ en frais de scolarité. « La formation Nicolet est difficile. Mais tu te dis, c’est seulement 15 semaines » souligne-t-elle.
Pour devenir policier, il faut répondre à une série de questions, une longue enquête, ce qui prend presque quatre ans. Ce faisant, ils relèvent les empreintes du futur policier, analysent les dossiers judiciaires de son entourage. Il faut être passionné pour suivre ce chemin. Et quand Marie parle, sa passion est palpable dans sa voix.
Dans le temps de son grand-père, il y avait des prérequis qui n’existent plus. « Il fallait être six pieds et 200 livres, » Marie explique. Ce n’est plus le cas, bien qu’il y ait des tests physiques à passer avant d’être accepté au collège. Le résultat : 50% de sa classe de Nicolet sont des femmes.
Elle fait un voyage personnel à New York pour le jour de l’an. En interagissant avec des policiers là-bas, elle a découvert que leurs homologues montréalais sont bien respectés ailleurs. C’est grâce au parcours éducationnel qu’il faut accomplir ici.
Marie a 25 ans. La police accepte des recrus beaucoup plus vieux que dans le temps de son papi. Il y avait quelqu’une de 30 ans dans sa cohorte. Une dame avec une maîtrise. Elle explique : « Ils veulent du monde avec des diplômes universitaires parce qu’ils ont un parcours différent. Plus de maturité, plus de vécu. » De plus, les crimes sont devenus plus complexes : « Juste le vol des véhicules. Juste deux boutons, et t’as le char. »
Qu’est-ce qui l’attire aujourd’hui vers le métier de policière ? Elle souhaite être proche des citoyens, avoir la possibilité de faire une différence dans la vie de quelqu’un. En outre, elle veut s’assurer que la vie soit juste pour tout le monde, et déconstruire les préjugés contre les policiers.
Un vent de changement
Depuis l’ascension du réformateur Fady Dagher comme chef de la police de Montréal, il y a une autre haie à surmonter. Cinq semaines d’immersion dans des milieux communautaires en tant que civils pour apprendre la réalité des organismes.
Il y a un thème pour chacune des semaines d’immersion. Par exemple : l’itinérance, les femmes, les autochtones, les jeunes. Marie en apprend beaucoup. « c’est fou comme il y a autant du monde qui fait affaire avec des banques alimentaires », s’exprime-t-elle.
Je me suis entretenu avec Marie durant sa période d’immersion. Sa plus grande crainte est que quelqu’un reçoive mal son statut de policière, qu’on lui dise « fuck off! », lorsqu’elle s’identifie comme telle. Par chance, ce n’est pas encore arrivé.
Elle a eu trois semaines de simulations de situations dangereuses. Pour la première fois dans tout son parcours, elle commence à vraiment méditer sur les dangers de sa profession.
« En technique policière au Cégep et à Nicolet, je n’ai pas pensé aux risques, » dit-elle. « Je pouvais me dire que ça arriverait dans trois ans, dans 15 semaines. Mais maintenant, les simulations me font réfléchir. »
Elle était la plus petite de sa classe à Nicolet. Les instructeurs lui donnent des techniques particulières réservées à la défense des plus petits. Cela ne la rend pas moins nerveuse « mon rythme cardiaque monte à 160 quand on fait des simulations. Le stress vient me chercher. Je suis trempée de sueur… La nuit, je serre mes dents si fort que j’ai mal à la mâchoire lorsque je me réveille le matin. »
Son intérêt principal, c’est tout ce qui touche aux gangs de rue, aux proxénètes juvéniles… De grands enjeux pour notre jeune recrue.
Elle a demandé, et a reçu, l’ancien matricule de son grand-père. Toujours une passionnée, quels que soient les risques.