L’urbanisation des immigrés

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Par Colin McGregor | Dossier Immigration  

Il est bien connu que la grande majorité des immigrants en Amérique du Nord choisissent de vivre dans les grands centres métropolitains. Ce qui crée plusieurs enjeux, et qui met à rude épreuve nos ressources en ville. 

Environ les trois quarts de la population d’immigrants au Canada sont établis dans trois grandes régions métropolitaines, soit Toronto, Montréal et Vancouver (Statistique Canada). La plupart des autres immigrants se retrouvent en Alberta, pour accéder à des emplois lucratifs dans le secteur pétrolier et tout ce qui l’entoure. En 2018-2019, l’immigration permanente et temporaire a constitué la quasi-totalité de la croissance démographique des grandes villes canadiennes.

C’est un total de 90 900 personnes provenant d’autres pays qui se sont établies au Québec entre le 1er juillet 2021 au 30 juin 2022, dont 84.3 % à Montréal. 

Les autres régions métropolitaines (Québec, Sherbrooke, Gatineau, Trois-Rivières et Saguenay) ont accueilli ensemble 12,9 % des immigrants, tandis que seulement 2,8 % des immigrants se sont établis à l’extérieur des régions métropolitaines.

Selon le recensement de la population en 2016, bien que ce soit à Montréal que réside la majorité de celles-ce (52,3%) c’est à Brossard que le pourcentage de personnes immigrantes au regard de sa population totale est le plus élevé (38,5%).

C’est une tendance mondiale : aux États-Unis, 92% des immigrants vivent dans une zone urbaine. C’est la même chose en Europe, ainsi que dans tous les pays richissimes.  Pourquoi?

La disponibilité de réseaux sociaux développés pour les immigrants est souvent invoquée pour expliquer pourquoi les immigrants ont tendance à s’installer dans les grandes villes. D’autres recherches suggèrent que cela est dû aux opportunités économiques offertes par ces grandes métropoles.

Dans bien des cas, les emplois disponibles en région correspondent peu aux profils des personnes immigrantes établies à Montréal, du moins lorsqu’il s’agit d’emplois demandant peu de qualifications. Ainsi, selon le recensement de la population de 2016, 40 % des personnes immigrantes de 25 à 64 ans détenaient un baccalauréat ou un niveau supérieur, comparativement à un peu moins de 25 % des Canadiens de 25 à 64 ans nés au pays.

Plan trentenaire 

Les questions sur le nombre d’immigrants installés à Montréal par rapport au reste de la province ne sont pas nouvelles. Au début des années 1990, la régionalisation de l’immigration dans une perspective de développement régional a été établie comme une priorité gouvernementale au Québec. 

Un plan d’action engageant 43 ministères et organismes gouvernementaux a été publié en 1991. En 1992, un document a présenté des orientations pour une répartition régionale de l’immigration; puis en 1993, un plan d’action pour la régionalisation a été rendu publique. 

Il existe aussi un Plan d’action ministériel sur la régionalisation de l’immigration au Québec qui a notamment comme objectif de contribuer à la croissance de la migration primaire des personnes immigrantes en région, en les incitants à s’y établir dès leur arrivée au Québec. L’idée c’est d’agir, préférablement dès l’étranger, pour augmenter l’efficacité des actions en matière de régionalisation. 

Sur le plan fédéral, il y a un Programme pilote d’immigration pour les communautés rurales et du Nord. Le Canada travaille avec les petites communautés éloignées de l’Ontario, de l’Ouest canadien et des trois territoires pour attirer et retenir des travailleurs étrangers qualifiés. 

Pourquoi les gouvernements n’adoptent-ils pas des lois obligeant les immigrés à vivre en région?

La liberté de circulation et d’établissement est protégée par la Déclaration internationale des droits humains et La Charte canadienne des droits et libertés. Les citoyens et les résidents permanents du Canada ont le droit de vivre ou de chercher du travail partout au pays. Un gouvernement ne peut pas dire aux gens où ils doivent vivre. Ça limite grandement l’action qu’un gouvernement peut entamer pour diriger les immigrants vers les régions. 

Ainsi, selon Myriam Simard, professeure retraitée de l’Institut national de la recherche scientifique (INRS), en 1979 et en 1980, l’arrivée massive des personnes réfugiées indochinoises constitue une première démonstration de régionalisation de l’immigration, qu’on appelait la «  démontrélisation »  de l’immigration. Sur près de 12 700 personnes, la moitié s’est installée en région. Après deux ans, on constatait qu’une grande partie était revenue à Montréal ou avait quitté le Québec. Le gouvernement québécois aurait-il pu faire mieux pour inciter les réfugiés indochinois à rester en région au Québec ?

Dans le plan d’action québécois actuel, on voit beaucoup de partenariats avec des municipalités afin de « proposer des solutions innovantes pour faire en sorte que l’immigration puisse contribuer à la vitalité des territoires ».  Ce programme des communautés accueillantes se maintient depuis au moins une décennie.

Toutefois, tout changement de lieu de résidence des immigrants doit être effectué volontairement, en les incitant et en les encourageant à s’installer à la campagne ou dans des communautés de petite taille, et non par décret.

Comment peut-on assurer aux immigrants une juste place dans notre société? Le parti d’opposition à Québec Solidaire (QS), maintient que « Dans les sociétés libérales, les politiques d’immigration sont déterminées en grande partie par les exigences – en termes de main-d’œuvre – du marché du travail. » 

Néanmoins, QS dit que : « Dans un Québec solidaire, ces politiques doivent tenir compte autant de la nécessité d’accueillir des immigrants à des fins économiques et sociales que de la responsabilité morale et politique que nous avons d’accueillir des personnes et des familles réfugiées. »

La situation actuelle amène une rareté de la main-d’œuvre dans toutes les régions, autant dans les zones métropolitaines que dans les villages et petites villes qui veulent conserver leurs entreprises, leurs écoles, etc. Serons-nous témoins d’une forme nouvelle d’attrait d’immigrants, voire de demandeurs d’asile, pour les attirer et les garder dans leur communauté respective ?


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