Redo au stylo

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Portrait : Redo – Redouan Ait Chitt

Par Équipe Reflet de Société

Redo au stylo

Avant même d’entrer dans une salle de danse, Redo a d’abord dû danser avec le regard des autres. Un regard trop lourd, trop insistant, parfois moqueur, souvent injuste. Né aux Pays-Bas avec plusieurs différences physiques — le bras droit et la jambe droite plus courts ainsi que l’absence de hanche — il a très tôt expérimenté ce que signifie grandir dans un monde calibré pour des corps normés.

Cette peur, il l’a connue dans la rue, à l’école, dans les hôpitaux. Elle s’est incrustée dans les moqueries, les chuchotements, les gestes évités. Il se souvient d’un quotidien rythmé par les séances de rééducation, les chaises spéciales, les lits spéciaux, les avis médicaux et les diagnostics pessimistes : « Il risque de devenir très dépressif, très rebelle », avait-on dit à ses parents.

Heureusement, ses parents ont refusé le modèle de la résignation. Ils ont décidé de l’élever comme un enfant « comme les autres », sans surprotection ni fatalisme. Une décision qui, à long terme, lui a permis de reprendre possession de son propre récit.

Le déclic : un feu dans le ventre

C’est à 15 ans que tout change. Redo découvre la danse. Le break. Le hip-hop. Le groove. Une gestuelle libre, ancrée, parfois brute, toujours expressive. Un feu s’allume dans son ventre. Il y reconnaît, enfin, une langue qu’il peut parler avec son corps.

« La danse m’a permis de transformer mes différences en force. »

Avec le temps, il développe un style unique, en accord avec son corps, ses appuis, son centre de gravité. Chaque différence devient une signature. Chaque particularité, une force expressive. La danse n’essaie pas de « corriger » son corps : elle le révèle, en dehors de tout modèle imposé.

Un message universel

Aujourd’hui, Redo est un danseur professionnel reconnu à l’échelle internationale. Membre de la troupe ILL-Abilities, il fait partie d’un collectif hors norme qui regroupe des artistes en situation de handicap issus de plusieurs pays (Canada, Brésil, France, Corée du Sud, Pays-Bas…).

« Ce n’est pas parce qu’une chose est différente qu’elle est mauvaise. »

Lors du spectacle Pas d’Excuses, Pas de Limites présenté à Montréal, Redo a offert un témoignage en mouvement, une démonstration de ce que signifie prendre possession de son image, se raconter soi-même, sans filtre, sans pathos.

High-three et second degré 

Ce qui frappe chez Redo, au-delà de sa technicité et de sa musicalité, c’est aussi son humour franc, libérateur. Dans ses interventions publiques, il joue avec les attentes. Il dédramatise, sans jamais minimiser.

« Je n’ai que trois doigts à gauche… alors tu peux me faire un high-three. »

Ce sens de la répartie et cette autodérision, sont pour lui des armes de désarmement massif. Enfin, j’ose imaginer. Oui, elles désamorcent la gêne que peuvent ressentir les autres face à sa différence. Elles ouvrent un espace de dialogue, là où le silence aurait figé les choses.

De la différence à la puissance

Être sur scène, pour Redo, ce n’est pas seulement danser : c’est reprendre le stylo de son propre récit. Il le dit sans détour :

« Raconte ton histoire… et tiens le stylo. »

Pendant longtemps, les récits autour du handicap ont été racontés à la place des personnes concernées — avec maladresse, paternalisme ou invisibilisation. Aujourd’hui, Redo fait partie d’une génération qui parle en son nom, avec des outils artistiques puissants, et un langage qui traverse les barrières : celui du mouvement. La danse l’a sauvé. L’a sauvé des autres et de lui-même.

Dans un monde où les corps sont souvent jugés, filtrés, standardisés, le parcours de Redo ouvre une brèche. Il nous rappelle qu’aucun corps n’est « déficient » dès lors qu’on lui offre les moyens de s’exprimer pleinement. Que la singularité peut devenir force créative, et que la normalité est une fiction bien pauvre quand elle nie la diversité réelle des existences.


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