Au cœur de Bogotà, le quartier « Chapigay »

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Par François Bellemare | Dossier LGBTQ+

Chapinero est l’une des vingt localidades (équivalant aux arrondissements montréalais) de Bogotá, capitale de la Colombie. Nous y rencontrons Jorge (nom fictif), homme gai début cinquantaine et résident des lieux depuis 20 ans. Il s’avère intarissable en anecdotes sur l’Histoire de son quartier.

Cette zone mi-commerciale, mi-résidentielle, célébrait déjà la contre-culture dans les années 1970, autour  du Parque de los Hippies – dénomination officielle ! À la fin du siècle, cette mouvance a peu à peu cédé la place à une centaine d’établissements gais et lesbiens : bars et salles de danse, cafés et boutiques, associations diverses. Et vers 2002, une nouvelle identité locale s’affiche dans cette section de Chapinero : le quartier Chapigay.

Quartier de résidence de la mairesse et de son épouse

Ce sous-titre aurait jadis été triplement transgressif. D’abord, parce qu’il eut été naguère incongru qu’une personnalité dirigeante habite un quartier populaire; ensuite parce que Claudia Lopez, candidate du Parti vert de Colombie, est devenue la première femme en 500 ans à gouverner la mégalopole d’un peu plus de 7 millions d’habitants qu’est devenue Bogotá. Bien qu’elle ait terminé son mandat fin 2023, elle reste une référence incontournable dans le quartier.  

Et surtout, parce que cette journaliste est devenue à 50 ans la première personne ouvertement homosexuelle à diriger la capitale de l’un des 35 pays des Amériques. Ajoutons qu’elle et sa conjointe Angelica Lozano, elle-même ex-mairesse d’arrondissement de Chapinero, auront été de la première cohorte de couples de même sexe à contracter mariage, suite à la Loi qui l’autorise depuis 2016 en Colombie.

Outre le défilé annuel Día del orgullo (Journée de la Fierté) chaque 28 juin, plusieurs institutions sociales de Chapigay évoquent celles du Village montréalais : le Centro comunitario LGBT, la Fundacion Arcoiris (Fondation Arc-en-ciel, qui finance plusieurs projets) ou l’OBNL Sentiido (équivalant à la Fondation Émergence du Québec).

Ce qui fait sa renommée, c’est cependant sa myriade de lieux nocturnes. Comme le Teatrón, un ancien cinéma reconverti en mégaboîte de nuit : 13 salles thématiques sur 10 000 p2 — dont certaines ouvertes aux hétéros. Sa capacité totale est de 6 000 personnes, qui doivent attendre jusqu’à 21h00 l’ouverture des portes… pour faire la fête jusqu’au lever du jour.

Au cœur de Bogotà, le quartier « Chapigay »
Commémorant le 40e anniversaire de la célèbre mobilisation établissant à Bogota le premier Día del Orgullo, une peinture muraliste de Chapigay affiche un typique humour lesbien : « Nous (au féminin : nosotrAS) apprenons à nous aimer. Vive l’amour sans pénis ! » Crédit: Maria Borello

Face à la discrimination homophobe, la réplique du Bizou-thon

Comme à l’origine la décriminalisation de l’homosexualité en 1980, toutes ces avancées sont réelles, reconnait Jorge; et se multiplient en Colombie les lieux d’homosocialisation. Mais on ne trouve encore à Bogotá que deux notaires acceptant d’enregistrer les unions de même sexe, donc largement en-deçà des besoins. Et derrière l’évolution juridique bien réelle, se maintient un lourd conservatisme social ! Jorge cite en exemple le cas de deux gais dans la trentaine qui, en juillet dernier, ont été pris à partie et menacés de coups de bâton par les voisins d’un parc public du quartier de Salitre (partie de la localidad de Engativa, dans le nord de la ville) où ils étaient assis en s’embrassant.

Retournant l’incident comme un gant, les réseaux militants ont sauté sur leurs claviers pour convoquer, pour le lendemain et dans le même parc, un grand besotón — qu’on pourrait traduire par « bizou-thon » — qui a rassemblé des centaines de personnes en un intense festival d’embrassades amoureuses. Et a inscrit un nouveau chapitre du militantisme LGBT dans ce pays de tous les extrêmes.

Crédits photos : Mariela Borello

Légende : L’auteur devant le symbole de l’entrée du quartier Chapigay. En arrière-plan, l’édifice de résidence de l’ancienne mairesse de Bogota, Claudia Lopez


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