Quand je pense à mes Noëls!

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Par Dominick Trudeau | Dossier Culture 

Quand je pense à mes Noëls, je pense aux Fêtes chez ma grand-mère à Beauport. Ma mère avait toujours un mal de tête avant que la visite arrive, et allait donc se coucher. 

Ah ! qu’elle était longue, la route en hiver de Ste-Catherine vers Beauport. Mon père n’écoutait pas, à cette saison-là, le maudit baseball à la radio. Quelle invention inutile et bruyante dans une voiture que cette description des matchs des EXPOS où il espérait un : « Bonsoir! Elle est partie! ». ?

Après le pont de Québec, on se faufilait dans la ville. Je savais que nous étions arrivés à la descente de l’avenue Saint-Sacrement. On n’était pas loin d’arriver. Ma référence c’était le Boiteau luminaire. On était sur le point d’entendre et de voir ma grand-mère Guay avec ses chansons, ses sourires, son creton avec un pouce de gras et son rosbif.

Mon grand-père Cyril, lui, restait dans son bout de cave pas fini, à faire je ne sais quoi, et mon oncle Jean-Pierre venait dire bonjour puis repartait travailler dans sa chambre au sous-sol. Il était écrivain et journaliste, alors on pouvait tout lui pardonner. 

Ah! qu’il était beau et grand mon parrain, celui qui souvent m’offrait des objets en terre cuite à mes anniversaires et à Noël, probablement fabriqués par ses amis artistes.

…Je pense à un jour de l’An dans ma trentaine où j’avais cuisiné toute la journée. Je recevais « ma belle grosse gang d’amis ». J’ai dû aller m’assoupir un peu avant qu’ils arrivent. Je me suis réveillé quelques heures « PLUS TARD », le lendemain, après la fête. Et oui j’avais tout fait! Tout décoré! Toute la bouffe en quantité industrielle, c’est juste si je n’avais pas baratté le beurre.

…Je pense à une jeune fille que ma sœur avait emmenée à la maison chez mes parents et qui savait qu’elle vivait son dernier Noël. J’ai des images floues de son corps et de sa mobilité – qu’on qualifierait réduite aujourd’hui. J’avais écrit un long texte sur elle, mais je ne le retrouve pas. Mes souvenirs de sa présence sont comme dans les fleurs de ma peau, imprégnés de ce sentiment d’impuissance qui m’habitera toujours. J’ai compris à ce moment-là que je commençais à mourir. Que ma vie serait une longue attente. Une longue attente remplie de peurs.

…Je pense à la messe de Minuit à Côte Ste-Catherine. On allait à celle de 22h. Je n’ai jamais entendu le Minuit Chrétien à la bonne heure! On était assis sur le deuxième banc, juste à côté de la famille Charpentier. La plus vieille de la famille, Manon, allait devenir ma meilleure amie confidente, à se dévoiler par des mots tellement poétiques, tous les deux couverts de nos homosexualités respectives.

…Je pense au jour de l’An quand on allait chez ma tante Julia. Ah! Le mal de tête que me donnaient les hommes qui écoutaient le football. Pendant ce temps, les filles écoutaient le petit Do monté sur une chaise leur chanter Le petit chapeau d’castor.

Ma très chère tante marraine me volait à mes parents quelques week-ends par année. Elle me faisait faire du ménage dans son sous-sol. Ou encore, elle me faisait rouler, avec sa machine magique, des bûches pour son foyer avec le papier de La Presse. 

Ma tante Julia était la reine du recyclage avant son temps, elle gardait, repassait et classait tous les papiers d’emballage, les rubans, les choux. TOUT! J’ai hérité de sa crèche, des boules de Noël magnifiques et hors de prix. 

J’ai surtout hérité d’elle la passion de la musique! C’est chez elle que j’ai entendu Frida Bocara, Julie Arel, Édith Butler et tous les albums de untel ou unetelle à l’Olympia de Paris. Mon travail de metteur en scène m’a amené un jour à voir un spectacle dans cette salle mythique. J’en garde le souvenir d’un gars qui n’a rien vu de sa soirée tellement il pleurait! Ce soir-là et grâce à elle, j’étais devenu Dominick Trudeau à l’Olympia de Paris.

…Je pense aussi beaucoup à mon père qui achalait tous mes amis pour leur faire visiter ses maudites crèches à la cave : Dieu qu’il me faisait honte! Quand, le 1er novembre, ma mère débarrassait la place des décorations d’Halloween, mon père retirait les livres des bibliothèques de toute la maison, enlevait ce qui se trouvait sur tous les meubles et commençait à installer sa collection de crèches. 

J’avais le droit de jouer avec la crèche en bobines de fil qu’il avait réalisée avec l’aide de ma tante Céline, sœur missionnaire en Amérique du Sud. C’est ma préférée parmi les 700 crèches que compte aujourd’hui ma collection. Mais je vous jure, si je l’avais eue en cadeau dans la vingtaine, je l’aurais « crissée » à la poubelle sans hésiter. Ma mère aimait bien le mot « crisser » qu’elle employait à toutes les sauces : Peux-tu ben « crisser » ça là, veux-tu ben lui « crisser » patience ou le fameux : Attends que ton père arrive, y va t’en « crisser » toute une!

Quand je pense à mes Noëls, c’est tout un mélange de mots et d’émotions qui remontent en moi, qui ont fait le bel homme mélangé que je suis! Je ne changerais rien.

J’aime Noël! Et avec les crèches de mon père que je promène lors de mes expositions et dans des livres, je suis obligé de vivre mes Noëls bien plus longtemps que la moyenne des gens, et j’adore ça!

Joyeux Noël et joyeuses crèches, et quand je pense à mes Noëls… je suis toujours dans une magnifique tristesse heureuse que j’ai envie de partager!

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Livres:  

Joyeuses crèches aux éditions GID

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