Par Raymond Viger | Dossier Santé
Je rencontre un médecin de famille. Être médecin de famille a été pour lui une passion, également un besoin, celui de se sentir utile, de faire une différence pour ses patients.
Aujourd’hui, il témoigne de sa fatigue extrême. De son « écœurantite » du système de santé. Il me confie que ce sentiment est généralement éprouvé par les professionnels de la santé. Selon lui, plusieurs médecins de famille vont quitter le navire, laissant un énorme vide derrière eux. Selon un reportage de Radio-Canada : Au total, 780 médecins généralistes et spécialistes ont quitté le système public au cours de la dernière année.
Le médecin de famille a, jadis, été le chef d’orchestre pour assurer le meilleur suivi possible de son patient. Il pouvait le référer à un spécialiste en indiquant le niveau d’urgence et de priorité. Les informations sur l’état de santé de son patient lui revenaient à la vitesse demandée.
L’autorité d’un médecin de famille est maintenant révolue. Un patient a besoin d’une prise de sang rapide pour évaluer les protocoles à mettre en place pour sa guérison et la posologie de ses médicaments. Le médecin de famille peut demander une prise de sang, mais il ne sait pas quand il va recevoir les résultats, même en ayant communiqué l’urgence de la situation. Son patient, si on peut encore l’appeler ainsi, devra lui-même consulter le site internet pour obtenir un rendez-vous pour sa prise de sang. Pendant ce temps, le médecin de famille ne peut rien faire d’autre qu’attendre la réception de résultats qui tardent à venir.
Le système informatisé de la Santé a pris le contrôle. L’obligation de prendre rendez-vous nous met en face d’un ordinateur qui détermine à quelle heure et quel jour un nouvel horaire s’affiche. car quelques minutes suffisent pour remplir la période et vous obligent à reprendre un rendez-vous.
Que penser de l’incohérence de certains rendez-vous. Un patient s’est vu attribuer un rendez-vous pour une prise de sang à jeun à 14h de l’après-midi. À jeun depuis combien d’heures ?
Comme le mentionnait le médecin, avant la pandémie, les gens se présentaient au CLSC sans rendez-vous et tous avaient leur prise de sang. Il mentionne tristement : « La pandémie a le dos large. Il ne faut pas exagérer. C’est derrière nous. Il faudrait avoir un meilleur service en matière de santé ».
L’autorité du médecin de famille a été remplacée par des protocoles créés par des fonctionnaires. Des critères sont préétablis pour déterminer quel patient sera vu et quand. Plus besoin d’avoir un être humain qui gère les listes d’attentes. Les protocoles sont dictés à la machine ainsi que les informations sur les patients. Telle la machine à boule de Loto-Québec, la liste des gagnants de la journée sort de la machine.
Notre système de santé est tellement malade qu’il lui est impossible d’accepter des cas d’exceptions, des priorités, des urgences. Pour éviter une crise, on met tout le monde en crise.
Pendant ce temps, pour compenser les incohérences du système public, les plus nantis se retournent vers le privé. Les ressources que ce système utilise viennent miner encore plus notre système public. Sans compter les abus de ce système privé qui favorise les clients qui sont bien nantis ou bien assurés. Ces entreprises aiment surfacturer. Ce n’est pas grave, ce sont les assurances qui vont payer. Ces frais causent une augmentation des primes d’assurance pour la santé, impliquant que celles-ci sont de moins en moins accessibles pour le peuple. Une prise de sang dans un laboratoire privé me coûtait 950 $ !
Je me souviens, dit la devise du Québec. Je me souviens de la gratuité des services de santé à même nos impôts. Je me souviens d’une taxe santé que nous payions tous en faisant notre déclaration de revenus pour, supposément, conserver la qualité et la gratuité de notre système.
Je me souviens que, suite à des incidents de santé qui nécessitaient un suivi rapide, j’ai été chanceux de trouver une infirmière qui est venue à domicile pour une prise de sang à un prix accessible. Les résultats ont été transmis à mon médecin de famille.
Lueur d’espoir ou de désespoir à l’horizon ? Un médecin en région gaspésienne confirme que les différents spécialistes peuvent encore se parler et faciliter la priorisation des patients.
Les bons coups régionaux remporteront-ils la victoire envers l’informatisation aveugle et anonyme des grands centres urbains ? Jusqu’où doit-on s’adapter ?
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