La Maison Orléans : Au cœur de la réinsertion

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Par Lucas Lelardoux Oliger | Dossier Criminalité

De nombreux fantasmes entourent le monde carcéral. Les films, les anecdotes et les rapports sociaux en général ont forgé un imaginaire commun sur les origines et la destinée des personnes judiciarisées. La réinsertion est un de ces sujets. Il est commun d’entendre dans le débat public des personnes se plaindre des délits commis par d’anciens détenus, auxquels la prison n’aurait donc « rien appris ».

Il était de bon ton de vérifier ces allégations auprès d’experts de cette problématique sociale. La Maison Orléans est un organisme principalement orienté pour l’aide à la réinsertion, bien qu’elle soit ouverte à tous. Fondée par des religieuses, aujourd’hui dans les mains de laïcs, elle se situe dans une paisible zone pavillonnaire de Hochelaga, à deux pas de la rue Ontario. 

Briser l’isolement

Robin, un Français d’une trentaine d’années, y est animateur pour des groupes de parole. Un hochement de tête continu, il apparaît constamment alerte et observateur. L’une des premières choses sur lesquelles il veut insister est la démarche horizontale et volontaire de son organisme. En effet, la Maison Orléans n’est pas une démarche obligatoire pour les personnes judiciarisées, et à pour position de ne pas surplomber les débats ou les prises de parole. Pour l’illustrer, Robin avance les programmes proposés suivants : 

Retour à la maison est un espace où se retrouvent d’anciens détenus, placés en maison de transition, en liberté conditionnelle ou totale.

Dessine-moi un espoir est un programme qui quant à lui associe cinq détenus du CFF 600, une prison de sécurité minimum à Laval, à des jeunes gens du Forum jeunesse de Saint-Michel, pour certains fraîchement immigrés au Québec. 

Enfin, Restauration méditative se consacre à des activités contemplatives. De fait, cet alliage a pour ambition de créer une orientation globale de la Maison Orléans vers un but de réduction des méfaits, mais aussi une harmonie sociale.

La Maison Orléans : Au cœur de la réinsertion

« Ce sont des personnes pour qui le retour peut parfois être difficile » et « qui peuvent se retrouver très isolées, même une fois libérées », décrit-il comme un constat. Robin dresse la philosophie générale : « le rôle de la Maison Orléans est à la fois de permettre aux ex-détenus de venir parler librement sur des sujets assez ouverts que nous proposons (deuil, rapports familiaux, emploi …), et qui permettent un partage » d’expériences communes, dans une optique du « faire part, faire pour » les personnes judiciarisées. 

Des objectifs

Martin, lui, est directeur général intérimaire de la Maison. Chez lui, ce sont ses yeux bleus perçants qui frappent au premier coup, mais aussi son aspect terre-à-terre. On peut percevoir une expérience, une connaissance du monde, et ce presque immédiatement. 

Il explique que les objectifs qui fondent l’engagement de la structure sont de « développer la personne et la pensée critique ». C’est pourquoi il ne voudrait pas prendre une position « revendicatrice », qui, dans le domaine de la réinsertion et de l’appui aux personnes judiciarisées, se traduit parfois par des idées anti-carcérales. 

Ces propositions veulent dénoncer les souffrances infligées aux détenus et ex-détenus, tout en pointant un système qui serait incapable de mettre un terme à la criminalité. Mais « ici, ce n’est pas la Maison qui donne le thème, elle donne la parole aux gens », explique-t-il pour rejeter cette posture. 

Il poursuit : « On va amener le sujet : « Qu’est-ce que vous avez vécu pendant votre période d’incarcération ? Qu’est-ce que vous en pensez ? ». Il y a des opinions, des positions qui vont sortir. On va s’assurer de toutes les faire sortir pour créer une diversité et un échange entre les personnes ». Aussi, les motivations de l’organisme sont doubles, en permettant d’un côté le partage d’expérience par la parole, mais également l’apprentissage ou l’approfondissement des différentes façons de débattre avec l’autre.

Réinsertion

C’est par ce biais que la Maison Orléans espère bien réinsérer les personnes judiciarisées dans la société. Quant aux questions concernant le risque de récidives, qui dépendent du contexte social et économique comme la pauvreté par exemple, Martin met en garde contre des idées préconçues. 

Les ex-détenus qui retournent en prison ne le font pas uniquement après avoir répété un crime ou un délit, mais également sur base du non-respect des mandats de la liberté conditionnelle, et même cette période terminée, des ordonnances qui persistent. Ces conditions (situation financière, pas d’accès à Internet…) peuvent être complexes à respecter au quotidien pour des gens qui, après des années en prison, en ressortent désorganisés. C’est pourquoi le seul exemple de retour en prison connu à la Maison Orléans concerne un défaut de présentation de situation financière auprès des autorités. Pas plus de détails, la confidentialité des usagers étant au cœur de la déontologie de l’institution.

La Maison Orléans est donc une machine bien huilée, où les intervenants sont conscients de la responsabilité qu’ils endossent. Cependant, au-delà de ces grands enjeux, ce qui ressort le plus de ces échanges reste la profusion d’émotions. Les détenus qui atteignent un parcours de sortie de prison sont pour la plupart des hommes âgés. C’est assez surprenant de voir des hommes de cette génération se livrer ainsi, malgré leur vie compliquée. 

Robin revient sur cet élément : il n’est pas question de vouloir entendre à tout prix, dans une forme de « curiosité malsaine », une personne judiciarisée raconter des événements ou des pensées sombres. On ne peut qu’être touché par la démarche de partage entreprise. « Il y a des moments dans les réunions où les gens s’autorisent à se révéler fragiles, ce qui, même dans la société en général, n’est pas si commun. Il y a un poids qui leur saute des épaules  », raconte Robin. Martin, lui, avoue la charge émotionnelle que représente son activité : « Quand je fais une animation, je fais une nuit blanche après. Je suis allumé, je repense aux choses, je revois les choses. C’est très demandant ».

Finalement, la Maison Orléans dément les préjugés sur la prison, sur la réinsertion et sur l’action sociale. Elle est ancrée dans le tissu urbain du quartier, et plus largement dans celui de l’île de Montréal. Plus généralement, elle s’inscrit dans un nouveau modèle social : l’éducation plutôt que la répression.


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