Critique du livre Par Colin McGregor | Dossier Dépendances
Chaque jour il y en a des douzaines de meetings d’AA. Fort possiblement il y a un près d’où vous vivez.
J’ai compté les réunions des Alcooliques anonymes au Québec un vendredi typique. J’en ai trouvé 201 sur le site-web aa-quebec.org. La plupart se déroulent en français, mais on peut aussi les trouver en anglais et en espagnol. Elles démarrent dès 7 heures du matin et démarrent jusqu’à 23 heures du soir.
Elles ont tous les noms, comme : « Bonne Entente », « Bon Courage », et mon préféré, «Vide ton Sac ».
Cela veut dire qu’il doit y avoir beaucoup d’alcooliques dans le monde, incluant le Québec. Les réunions des AA aident ceux qui ont admis avoir un problème d’alcool. Imaginez tous les gens qui ne l’ont pas admis…
Sylvain Simard admet sa dépendance pleinement et ouvertement. Haut de gamme du monde médiatique, il œuvre dans le domaine de la radio depuis plus de trente-cinq ans, en tant qu’animateur et administrateur. Il a notamment occupé la direction du réseau de Radio Énergie. Il s’est lancé en 2011 dans le monde de la gestion de carrière de grandes personnalités à la tête de son agence Le Gérant. Il était, en même temps, un horrible buveur problématique.
Il trace l’histoire de sa maladie, car les AA conçoivent que l’alcoolisme est une maladie, dans son livre Le diable sur mon épaule.
Soirées bien arrosées
Il explique que dans le domaine des médias, les soirées bien arrosées ne sont pas inconnues. Sous les projecteurs, tout paraissait merveilleux. Mais dans l’ombre, sa vie était sombre.
Issu d’un père alcoolique et contrôlant, et d’une mère tolérante comme une sainte, ses déboires commencent en 1984. Il quitte le nid familial pour étudier en communication au cégep de Jonquière avec un ami d’enfance. « Trois jours après notre arrivée, il y a eu des initiations, » qu’il décrit : « Première épreuve, je ne réussis pas. Ma punition est de caler une grosse cannette de bière… Je venais de réaliser que mon corps serait capable de prendre de grosses Labatt 50 à volonté ».
La surconsommation devient son passe-temps de prédilection tout au long du Cégep. Ainsi qu’après, quand il travaille à Rimouski, Trois-Rivières, Québec et Montréal. Les black-outs, dont il n’a plus aucun souvenir. Souvent, il ne se rappelle pas du déroulement de la soirée précédente. Certaines fois, il dort la nuit dans des salles de bain des restaurants et des bars. Pourtant, son charme et son efficacité à son boulot lui sauvent des pires conséquences de ses comportements.

Il vit un moment de tragédie épouvantable à l’âge de 26 ans lorsqu’il perd sa jeune femme et son enfant à naître dans une crise médicale. Si vous ne pleurez pas au moins un peu à cette partie du livre, vous êtes fait de glace. Cela l’envoie dans une dépression de plusieurs décennies. Il a la chance de s’échapper vivant.
Toujours le diable sur son épaule lui chuchote, qu’il est un bon à rien. Que l’alcool résoudrait tous ses problèmes.
Se cacher
Dans la préface du livre, son amie et cliente Isabelle Racicot avoue : « Je travaille en collaboration avec Sylvain depuis 15 ans et jamais je n’ai soupçonné qu’il avait un problème d’alcool. »
Selon Sylvain, en entrevue, il nous explique que « 99% du monde était très surpris lorsque je suis sorti comme un alcoolique. Les gens de ma famille connaissaient, mais je ne consommais pas durant les heures de travail ».
Éventuellement, après des années d’excès, il se retrouve en thérapie dans la prestigieuse Maison Jean-Lapointe, pour un séjour de 21 jours. C’est en juillet 2018. Son ami Étienne Boulay et ses beaux-parents le cherchent au resto-bar où il est dans un état avancé d’ébriété. Le lendemain, ils l’amènent à cette thérapie. Enfin il avoue que sa dépendance lui a fait perdre le contrôle de sa vie.
Lorsqu’il était jeune garçon, il avait assisté à des réunions des AA avec son père, qui en était membre. Le soir de sa première thérapie, il assiste à une première réunion des Alcooliques anonymes en tant que participant. Il raconte : « Assis à l’arrière, je passe les 90 minutes que dure la réunion à pleurer. À mes côtés, un gars et une fille, eux aussi en thérapie, essaient de me consoler mais je n’arrive pas à me contenir. Je me vide complètement ».
Il dit aujourd’hui qu’en acceptant d’aller à la Maison Jean-Lapointe, « Ça a changé ma vie. Tout le monde a des doutes. Mais après quelques heures là-bas, j’ai su que j’avais pris la meilleure décision de ma vie ».
Pour Simard, les conséquences étaient dévastatrices : « Il ne faut pas minimiser les effets de cette terrible maladie. J’ai longtemps nié mon alcoolisme en dépit de sa présence constante dans ma vie. J’ai aussi nié les problèmes de santé que cela m’a occasionnés : estomac, intestins, maux de tête, embonpoint ».
Il continue: « Autant j’aimais rire et m’amuser, autant l’alcool m’a souvent gardé dans la noirceur. Mon entourage subissait sans cesse mes sautes d’humeur, mon impulsivité et ma rudesse envers eux. Ce que j’ai trouvé le plus triste, une fois sobre, c’est de voir combien j’ai minimisé et banalisé la méchanceté dont j’ai fait subir les autres. »
Toucher le fond
Parfois il faut toucher le fond du baril pour réaliser que vous êtes dans le baril. C’est ce qui s’est passé dans la vie de Sylvain Simard. Il en a survécu.
En sortant d’une thérapie, il a avoué son alcoolisme, puis a commencé à faire des billets sur les réseaux sociaux. Une rédactrice d’une maison d’édition a vu ses posts et l’a convaincu d’écrire son livre qui est bien reçu.
« Le but de mon livre est d’aider les autres, voir comment on peut s’en sortir. C’était un privilège d’écrire ce livre. »
On apprend qu’on ne doit pas toujours écouter cette petite voix qui nous parle. Spécialement quand c’est le diable sur son épaule.
Le Diable sur mon épaule : les ravages de l’alcoolisme par Sylvain Simard, publié par Performance Édition
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