L’art de décliner la sottise

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Par Anne Marie Parent | Dossier Éducation

De tout temps, des personnes se sont vues affubler de noms irrévérencieux parce qu’on les estimait moins intelligentes. Nous vous présentons quelques-unes des mille et une manières de les nommer, par ces mots et expressions employés au Québec. 

Michel Rivard personnifiait l’idiot du village, dans sa très belle chanson «Un trou dans les nuages», du disque Simple, paru en 2004. Il chantait: «Au village ils ont ri, ils se sont moqués de moi», ce qui est malheureusement le lot des gens considérés simples d’esprit. 

Les moqueries d’antan se sont transposées, parfois violemment sur les médias sociaux… mais c’est un autre débat. Tenons-nous-en à l’origine parfois amusante de quelques-uns de ces termes!

L’oiseau est dans son nid

Dès le 13e siècle, «niais» désigne quelqu’un qui est «sot par manque d’expérience ou par excès de naïveté». D’après Antoine Furetière, lexicographe français ayant fait paraître un dictionnaire en 1690, le mot «niais» provient du terme latin nideusis (pris au nid). 

Tout comme l’oiseau qui n’est pas encore sorti de son nid, le niais ou niaiseux n’a pas exploré le monde et est considéré comme étant un peu simplet ou naïf. Le québécisme «niaiseux» est un dérivé, probablement pour rimer avec un bon nombre de qualificatifs exprimant une émotion et se terminant en -eux: paresseux, heureux, joyeux, peureux…

L’art de décliner la sottise
Illustration : Léa Lejarre

À cause tu fais simple?

On entend surtout cette expression au lac Saint-Jean. «À cause» signifie «Pourquoi». On interpelle la personne en demandant pourquoi elle est «simple d’esprit», son comportement ou sa façon de penser étant peu élaboré.  

Issu du mot latin simplex («formé d’un seul élément»), «simple» est employé dès le début du 12e siècle (1125-1150) au sens figuré pour une personne considérée ingénue, humble, naturelle, modeste, pas compliquée… 

Il a rapidement pris une connotation négative, en particulier avec son diminutif «simplet», vers 1175, quand il qualifie quelqu’un de peu intelligent ou de naïf, qui n’est pas très perspicace ou subtil dans ses pensées.

Grosse tarte!

Traiter quelqu’un de «tarte», ou de «tata» au Québec provient d’un mot d’argot parisien employé dès 1821, qui serait une altération de tarde, de l’italien tardo: «lent, en retard». 

Dans les prisons au 19e siècle, les prisonniers traités de tartes étaient considérés «lourds, mauvais». Dans la langue familière depuis le 20e siècle, on lui a ajouté un sens de ridicule.

Il y a bien d’autres synonymes, comme nigaud, nunuche, gnochon, nono, idiot, naïf, tarla, moron… On entend aussi de nombreuses expressions, dont je n’ai pas trouvé les origines précises. Elles sont très souvent en forme négative: «Ce n’est pas une lumière», «Ce n’est pas le pogo le plus dégelé de la boîte», «Il n’est pas vite vite», «Il n’a pas inventé le bouton à 4 trous, «Ce n’est pas un 2 de pique»… 

Une expression aiguisée

J’ai tout de même trouvé un peu d’explication concernant l’expression «Ce n’est pas le crayon le plus aiguisé de la boîte / du tiroir». Elle serait inspirée de l’anglais He is not 

the sharpest knife in the drawer («Il n’est pas le couteau le plus aiguisé du tiroir»), connue depuis 1974.

Selon le Dictionnaire historique du français québécois, «depuis la fin des années 2000, on trouve dans la presse française différentes formes de l’expression, le plus souvent avec l’adjectif affûté, plus rarement avec aiguisé». De plus, en France, on utilise plutôt le terme «couteau», «les formes avec crayon n’ont pas été relevées dans la presse française consultée», précise-t-on.

L’art de décliner la sottise
Illustration : Léa Lejarre

Sources:

Dictionnaire historique du français québécois

Dictionnaire de l’Académie française

Dictionnaire historique de la langue française

Centre national de recherches textuelles et lexicales

À lire aussi, dans le site Du français au français: https://www.dufrancaisaufrancais.com/articles/les-mots-quebecois-pour-dire-stupide/

Biographie Anne Marie Parent

Née à Montréal au siècle dernier, Anne Marie Parent a fait des études universitaires en gestion touristique, en littérature française, en sociologie, en criminologie et en psychologie, au Québec et en Bretagne. 

Cheffe de pupitre au Journaldesvoisins.com, média communautaire publié dans l’arrondissement d’Ahuntsic-Cartierville à Montréal, Anne Marie est également réviseure linguistique et journaliste pour de nombreux magazines et journaux depuis 1990. Elle est maintenant conseillère en séjour à Tourisme Québec.

Elle a collaboré avec plusieurs guides touristiques, dont Testé et approuvé – Le Québec en plus de 100 nouvelles expériences extraordinaires (tome 1, 2017 et 2023, tome 2, 2023), collectif dirigé par Marie-Julie Gagnon, ainsi qu’avec le guide Les plages du Québec avec Sylvie Rivard (2022). 


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